Au début du XVIIIe siècle, un mort qualifié
de vampire sema le désordre dans le village de Liebava, en Moravie, et le
chanoine de la cathédrale d'Olmütz fut chargé d'enquêter sur cette
affaire en compagnie d'un prêtre à qui l'on doit le récit suivant :
Les témoins déposèrent qu'un certain habitant notable du lieu de
Liebava avait souvent inquiété les vivants dudit lieu pendant la nuit ;
qu'il était sorti du cimetière et avait paru dans plusieurs maisons ;
que ses visites importunes avaient cessé parce qu'un étranger hongrois
passant par le village dans le temps de ces bruits, s'était vanté de
faire disparaître le vampire. Pour satisfaire à sa promesse, il monta
sur le clocher de l'église et observa le moment où le vampire sortait de
son tombeau, laissant auprès de la fosse les linges dans lesquels il était
enseveli, puis allait par le village inquiéter les habitants.
Le Hongrois l'ayant vu sortir de sa fosse, descend promptement du clocher,
enlève les linges du vampire et les emporte avec lui sur la tour. Le
vampire revenu et ne trouvant plus ses habits, crie beaucoup contre le
Hongrois, qui lui fait signe du haut de la tour : s'il veut ravoir ses
habits, qu'il vienne les chercher. Le vampire se met en devoir de monter
au clocher, mais le Hongrois le renverse de l'échelle et lui coupe la tête
avec une bêche. Telle fut la fin de cette tragédie.
Ce mort n'est pas un vampire, c'est un simple revenant ! En effet, il
n'est pas dit qu'il provoque de nouveau décès et il n'est fait nulle
allusion à son activité de sangsue. Pourtant, il est appelé "
vampire ", ce qui nous prouve que ce vocable a d'abord désigné les
revenants avant d'être appliqué aux suceurs de sang. L'auteur du rapport
cité ci-dessus interprète donc une hantise en fonction des rumeurs répandues
en Europe depuis quelques décennies et contribue à installer le mythe
dans la réalité ! En fait, le revenant de Liebava est proche de celui
que Guillaume Laudun expédie ad patres...
En revanche, d'autres visiteurs en sont. La trente-septième des Lettres
juives, publiées en 1738, présente un visiteur vampire :
Un vieillard âgé de soixante-deux ans mourut dans le village de
Kisilova. Trois jours après avoir été enterré, il apparut la nuit à
son fils et lui demanda à manger ; celui-ci lui en ayant servi, il mangea
et disparut. Deux nuits après il se fit voir, et demanda à manger. On ne
sait pas si son fils lui en donna ou non, mais on trouva le lendemain
celui-ci mort dans son lit. Le même jour, cinq ou six personnes tombèrent
subitement malades dans le village et moururent l'une après l'autre peu
de jours après.
On ouvrit tous les tombeaux de ceux qui étaient morts depuis six semaines
: quand on vint à celui du vieillard, on le trouva les yeux ouverts,
d'une couleur vermeille, ayant une respiration naturelle, cependant
immobile comme mort ; d'où l'on conclut qu'il était un signalé vampire.
Le bourreau lui enfonça un pieu dans le cœur. On fit un bûcher et l'on
réduisit en cendres le cadavre .
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