Le 7 janvier 1732, trois chirurgiens de l'armée
autrichienne remettent aux autorités leur rapport sur un revenant
nuisible. Stanoicka, femme d'un heiduque de Medvegia, en Serbie, meurt à
l'âge de vingt ans après une maladie de trois jours. Dix-huit jours après
son inhumation, les médecins J. Fluchinger, J.H. Sigel et J.F. Baumgarten
procèdent à son autopsie et découvrent que son visage est rouge et a la
couleur de ceux des vivants, et qu'elle a été étranglée par Milloe, le
fils du heiduque. La communauté villageoise découvre que le mort est un
vampire en ouvrant sa tombe : il baigne dans quelques centimètres de
sang, alors que son rôle de sangsue n'a pas été évoqué. L'étrangleur
est donc déjà un vampire même s'il n'en porte pas toujours le nom.
Charles Ferdinand de Schertz donne un bon exemple d'étrangleuse dans sa
Magia posthuma. Une femme décède munie de tous les sacrements et revient
quatre jours après son enterrement :
Les habitants du village virent un spectre qui paraissait tantôt sous la
forme d'un chien, tantôt sous celle d'un homme, non à une personne, mais
à plusieurs, et leur causait de grandes douleurs, leur serrant la gorge,
et leur comprimant l'estomac jusqu'à les suffoquer : il leur brisait même
le corps et les réduisait à une faiblesse extrême, en sorte qu'on les
voyait pâles, maigres et exténués. Le spectre attaquait même les
animaux, et l'on a trouvé des vaches abattues et demi mortes.
De Schertz ne nous dit pas comment on se débarrassa de ce fléau qui dura
plusieurs mois, mais il discute de savoir si on a le droit d'incinérer de
tels revenants.
On notera que les étrangleurs se comportent souvent comme des appesarts,
comme en témoigne l'anecdote suivante :
En 1591, un cordonnier se tranche la gorge dans une célèbre ville silésienne.
On ignore la cause du suicide. Sa femme raconte qu'il a succombé à une
attaque. Au bout de six semaines, un bruit court dans la ville : un fantôme
ressemblant au cordonnier afflige et écrase les dormeurs. En même temps,
une rumeur se répand, disant que le cordonnier s'est suicidé. Les
parents du mort s'opposent à l'exhumation du corps, mais le défunt se
jette sur le lit des dormeurs, s'agrippe à eux et tente de les étrangler,
pèse si fort sur eux qu'on voit sur leur corps des marques blêmes le
lendemain matin, et même des traces de doigts plusieurs heures après.
Finalement, le peuple effrayé fait exhumer le corps qui a reposé en
terre du 22 septembre 1591 au 18 avril 1592. On découvre que le cadavre
est intact, très gonflé, que la peau des pieds est tombée et qu'une
autre a repoussé. Au bout de vingt-quatre heures, on l'ensevelit de
nouveau, mais en une place infamante. Pourtant, le mort continue ses méfaits
jusqu'à ce qu'on lui tranche la tête, les membres, les mains et les
pieds le 7 mai 1592 et qu'on lui ouvre le dos. On trouve son cœur intact,
comme celui d'un veau que l'on vient d'abattre. On dresse un bûcher et on
incinère le corps. On surveille les cendres durant la nuit afin que les
gens ne s'en emparent pas pour agir de façon criminelle ; le lendemain,
on les place dans un sac que l'on jette dans la rivière. Désormais, on
connut la paix.
|