Gautier Map est le premier auteur médiéval
à relater ce qui suit et qu'il considère comme un prodige ayant eut lieu
entre 1149 et 1182 au Pays de Galles ; le chevalier Guillaume Laudun alla
trouver Gilbert Foliot, évêque de Hereford, et lui dit :
" Seigneur, je me présente à toi pour te demander
conseil. Il y a peu de temps, un certain Gallois malfaisant est mort d'une
étrange façon dans mon village. Quatre jours après son décès il est
revenu et, depuis, il revient toutes les nuits et ne cesse d'appeler ses
concitoyens par leur nom, les uns après les autres. Ils tombent malades
et meurent trois jours plus tard, si bien qu'il ne reste plus beaucoup de
monde au village".
Le défunt n'était pas en odeur de sainteté et sa
mort fut conforme à sa vie : malfaisant il était, malfaisant il reste.
Il revient tuer ses concitoyens, pour cela il suffit qu'il les nomme. L'évêque
explique que c'est un ange déchu qui s'est glissé dans le cadavre et
indique la marche à suivre : " Exhume le corps, tranche-lui la tête
avec une bêche, asperge-le d'eau bénite ainsi que la tombe, et remets-le
en place ". Ces mesures ne servent à rien car le revenant est
particulièrement coriace, et il poursuit son œuvre de mort et les
habitants du village s'exilent. " Une nuit, alors que presque plus
personne ne restait au village, le mort appela ledit Guillaume par trois
fois. Comme celui-ci était un homme courageux et prompt, sans s'habiller
il se précipita sur son épée et poursuivit le démon en fuite jusqu'à
sa tombe. Au moment où ce dernier y pénétrait, il lui fendit la tête
jusqu'au cou. À partir de ce moment, ce fléau vagabondant cessa de les
harceler et ne causa plus de tort ". On notera au passage une
contradiction du texte : décapiter le cadavre n'eut point d'effet alors
que lui fendre la tête le " tua " définitivement ! Un tel détail
révèle que Gautier Map s'inspire d'un récit " populaire " qui
est insensible à ce genre d'invraisemblance. Une autre explication est
plausible : décapiter le mort est inutile si l'on ne prend la précaution
de placer dans la tombe la tête aux pieds du cadavre de façon à ce
qu'il ne puisse s'en saisir et la remettre en place. L'archéologie nous a
appris en effet que ce type de mutilation s'accompagnait d'un éloignement
de la tête : on la déposait aux pieds du corps.
Sautons quelques siècles et voyons ce que nous rapporte Charles Ferdinand
de Schertz vers 1706 dans son opuscule intitulé Magia posthuma. Traitant
de semblables phénomènes, il évoque " un pâtre du village de
Blow, près de la ville de Cadan en Bohême, qui parut pendant quelque
temps, et qui appelait certaines personnes, lesquelles ne manquaient pas
de mourir dans la huitaine ". En 1751, Dom Calmet cite un ouvrage de
Léon Allatius qui dit : " Dans l'île de Chio, les habitants ne répondent
pas à la première voix qui les appelle, de peur que ce ne soit un esprit
ou un revenant ; mais si on les appelle deux fois, ce n'est point un
broucolaque : c'est le nom qu'ils donnent à ces spectres. Si quelqu'un répond
à la première voix, le spectre disparaît, mais celui qui lui a parlé
meurt infailliblement |